Abbaye Saint-Martin
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Seigneur, je suis sans pain (messe)

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Seigneur, je suis sans pain (messe) Empty Seigneur, je suis sans pain (messe)

Message  Pie de Valence Sam 12 Oct - 21:09

Le temps s'écoulait bien plus vite que le cardinal de Valence ne l'aurait souhaité  et déjà, l'arrivée de la fin du mois le rappelait à sa promesse de faire une messe mensuelle en Bourgogne. Aussi, quand arriva le dimanche 31 de mars de l'année 1467, fit-il sonner les cloches de la chapelle.

Seigneur, je suis sans pain (messe) 220px-Cloche_Saint-Antoine_Murat

Et ce fut le Veni creator qui accueillit les fidèles à l'entrée, le temps qu'ils prennent tous place.

Bienvenus à toutes et toutes, soyez les bienvenus en ces lieux.

Et parce qu'il avait un certain nombre d'informations à donner, le cardinal commença par là.

Avant d'entamer la messe, je voudrais vous donner quelques informations qui concernent la Bourgogne.

Tout d'abord, après une semaine un peu chaotique
et une franche explication à la Nonciature, je souhaite rassurer tout le monde: les négociations sur le Concordat continuent et peuvent donc se poursuivre. Je reste donc à la disposition du Conseil ducal.

Ensuite, certains l'ont peut-être remarqué, le deuxième mandat de Monseigneur Maryanne à la tête du diocèse d'Autun s'achève dans quelques jours et, pour ne pas laisser ce diocèse sans évêque, j'ai accepté de succéder à Monseigneur Maryanne.
J'ai donc déménagé de Mâcon pour venir à Autun, ce qui risque d'engendrer temporairement à Mâcon de petites perturbations dans l'organisation des messes. Monseigneur Eden et Odo ont bien voulu, pendant ce temps, se charger des confessions sur place afin de ne pas laisser les Mâconnais sans le secours de Dieu.


Ayant donné ces informations, le cardinal passa à la messe du jour.

Il arrive parfois, dans la vie d'un prêtre, qu'au milieu d'une foule d'anonymes et parmi les sollicitations diverses qui toujours vous accaparent, que le temps suspende son vol et que vous soyez touchés par une situation, un moment, un homme, une prière et qu'une grande vague d'émotion sincère vous emplisse parce qu'elle vous va droit au cœur.
C'est très exactement ce qui m'est arrivé à la lecture de cette prière et c'est pourquoi je voulais vous la faire partager.


Le cardinal lut alors le texte en question


Seigneur ! je suis sans pain, sans rêve et sans demeure,
Les hommes m'ont chassé parce que je suis nu,
Et ces frères en vous ne m'ont pas reconnu
Parce que je suis pâle et parce que je pleure.

Je les aime pourtant comme c'était écrit
Et j'ai connu par eux que la vie est amère,
Puisqu'il n'est pas de femme qui veuille être ma mère
Et qu'il n'est pas de cœur qui entende mes cris.

Je sens, autour de moi, que les bruits sont calmés,
Que les hommes sont las de leur fête éternelle,
Il est bien vrai qu'ils sont sourds à ceux qui appellent.
Seigneur ! pardonnez-moi s'ils ne m'ont pas aimé !

Seigneur ! j'étais sans rêve et voici que la lune
Ascende le ciel clair comme une route haute,
Je sens que son baiser m'est une pentecôte,
Et j'ai mené ma peine aux confins de sa dune.

Mais j'ai bien faim de pain, Seigneur ! et de baisers.
Un grand besoin d'amour me tourmente et m'obsède,
Et sur mon banc de pierre rude se succèdent
Les fantômes de Celles qui l'auraient apaisé.

Le vol de l'heure émigré en des infinis sombres.
Le ciel plane, un pas se lève dans le silence,
L'aube indique les fûts dans la forêt de l'ombre.
Et c'est la Vie énorme encor qui recommence !*

Comment, mes frères, mes sœurs, ne pas être saisis à la foi de pitié et de compassion, mais aussi - hélas - de tristesse devant l'indifférence du monde et le rejet de ce qui ne nous est pas semblable ?

Cet homme était sans toit, en haillons, pale de ne pas avoir mangé à sa faim mais, parce que les hommes, ses frères et sœurs, ont eu peur de sa pauvreté et de sa pâleur, ils l'ont pris pour un individu dangereux, peut-être atteint d'un mal incurable et contagieux et ils l'ont rejeté. Pas une main secourable ne s'est tournée vers lui.
Pourtant, nous sommes tous les enfants de Dieu, tous faits de la même eau et du même sel, tous en capacité, un jour d'avoir à secourir ou d'être secouru par son prochain.

Alors, d'où vient cet instinct de rejet qui nous anime trop souvent face à la différence ou face à l'extrême pauvreté ?


* poème écrit par Léon Deubel (1879 - 1913)

Aristote pensait qu'il n'y a pas d'amitié possible entre personnes de trop inégales conditions sociales, reprenant ainsi un préjugé de sa classe sociale visant à dénigrer les "inférieurs" qui ne courtiseraient ceux qui leurs sont "supérieurs" que dans le but d''en tirer un avantage.
Cela témoigne pourtant juste du réflexe d'un homme habitué à vivre en vase clos avec des personnes de semblable condition, de même culture et de même pensée, seuls considérées comme des égaux dignes d'estime, à l'exclusion des autres, considérés comme des "étrangers" dont il faut se méfier et utiles seulement s'ils ont quelque chose à apporter aux classes sociales les plus aisées.
C'est ainsi que se constitue l'instinct de rejet et, comme on le voit, Aristote malheureusement, partageait à plein ce sentiment.

C'est en en prenant pleinement conscience et seulement à cette condition, qu'à mon avis, chacun peut faire un retour sur soi-même, analyser ses propres comportements et les corriger pour éviter de rompre en pratique ce qu'il pense pratiquer en idée: l'amitié aristotélicienne.


Le cardinal conclut alors la cérémonie par la récitation du Credo et la distribution du pain et du vin.


Messe dite en la Sainte-Chapelle de Dijon le  31 mars 1467 par Son Eminence Pie II de Valence

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