La Saint Valentin (messe)

**Pie de Valence** Sam 12 Oct - 21:05

Le Cardinal de Valence avait promis de venir faire une messe par mois en Bourgogne et, bien qu'en retard de quelques jours, il tenait à honorer sa promesse. Aussi, dès que le premier dimanche de février se présenta, il ordonna que l'ont fît sonner les cloches de la Sainte-Chapelle, le lieu de culte d'où il officiait habituellement.

Et, quand les fidèles pénétrèrent dans l'édifice, le doux chant du Mon âme pécheresse, pourquoi ne pleures-tu pas ? les accueillit.

Bienvenus à toutes et toutes, soyez les bienvenus en ces lieux.

Le silence s'était fait, le temps que la chapelle se peuple, puis le cardinal entama son propos.

Dans quelques jours, nous fêterons la Saint Valentin, patron des amoureux, occasion toute trouvée pour aborder ces thématiques durant notre messe.

L'empereur de Rome ayant décidé d'interdire le mariage aux guerriers afin qu'ils préservent leur force pour le combat sur les champs de bataille, fut vivement contesté, au nom de l'aristotélisme par Valentin, qui était curé, parce qu'elle était contraire au dogme.

L'homme et la femme unis par un amour pur et désintéréssé doivent être mariés, car, par le mariage, qui est l'un des sacrements divin, c'est Dieu lui-même, source de tout amour, qui est glorifié. En me demandant de renoncer à marier ceux qui s'aiment, tu me fais aller contre Dieu, et cela je ne le peux.
Si tu connaissais la grâce de Dieu, tu ne parlerais jamais ainsi, mais tu renoncerais aux idoles pour adorer le vrai Dieu qui est au soleil.

Non seulement, l'empereur n'était pas prêt à entendre ce genre de discours, mais quand Valentin qualifia les dieux romains d'

hommes misérables et souillés en toute manière

Il ordonna son exécution, et comme l'homme qui avait été chargé de cette besogne fut touché par la Grâce divine après que Dieu eut rendu la vue à sa fille aveugle, l'empereur ordonna leur arrestation et leur exécution. Valentin périt donc en 270, après avoir eu le corps brisé puis avoir été décapité le long de la Via Flaminia.

L'histoie pourrait être triste si, avant de mourir, Valentin ne s'était lié d'amitié avec la fille à laquelle il avait rendu la vie: il offrit des feuilles rappelant la forme d'un cœur qu'il signa: De ton Valentin, ouvrant ainsi une tradition reprise par tous les amoureux lors de la fête du saint afin de signifier que l'amour est plus fort que la mort.

Avant de poursuivre, le cardinal fit signe aux chantres, frère Peter et soeur Sloane, de chanter l'amour.

Maintenant, revenons aux propos du saint à propos de l'amour.

Ils valent le peine que l'on s'y arrête car un fidèle m'a posé trois questions judicieuses sur les propos de Saint Valentin:

- Comment sait-on que deux êtres éprouvent un amour pur et désintéressé ?
- Pourquoi doit-on les marier ?
- Comment sait-on que le mariage est un sacrement divin ?

Commençons par la dernière question: comment sait-on que le mariage est un sacrement divin ?

Le mariage a été institué par Dieu dès l'état d'innocence et avant même ce que le Livre des Vertus appelle le pêché. En effet, il est défini dès le Chapitre VIII de la Création qui ouvre le Livre des Vertus, tandis que le premier pêché, l'acédie, n'apparait que dans la Pré-Histoire qui succède à la Création.
C'est dire le caractère sacré qu'il revêt aux yeux-mêmes de notre Créateur et pourquoi il est devenu l'un des sacrements les plus importants de notre Eglise, en ce sens que Dieu considère le mariage comme sanctifiant l'amour en plaçant les mariés dans un état de grâce purificatrice. La cérémonie du mariage est donc ce moment où la Grâce divine descend sur les amoureux et rachète une seconde fois, après le baptême, les pêchés des hommes.

Mais comment sait-on que deux êtres éprouvent un amour pur et désintéressé ?

En vérité, il n'y a aucune moyen de le savoir ! C'est affaire à la conscience des personnes qui décident de s'unir entre elles ! Et seul Dieu peut sonder les cœurs et connaître leur sincérité et n'est-ce pas mieux ainsi ? Chaque humain a des raisons, qui ne regardent que lui, de se marier et qui suis-je pour en juger ? Suis-je Dieu ?
Seuls des doutes sérieux, appuyés par des preuves ou des arguments solides pourraient éventuellement faire reporter ou faire reconnaître nul un mariage. La publication des bans antérieurement au mariage et la demande parfois faite en début de mariage pour savoir si l'un des assistants a une opposition à faire connaître, doivent permettre de faire connaître ces doutes afin de déclencher une enquête. Mais, en dehors de cela...

Ah oui, j'oubliais ! Et si on fauté avant le mariage ? Est-ce grave ? Est-ce que ça empêche la sacralisation du mariage ?

Non, ce qui compte pour Dieu, c'est l'intention et seulement l'intention. Chacun a un tempérament différent et la chose peut parfois arriver naturellement sans qu'il y ait eu volonté consciente de fauter. C'est l'humaine nature. Ce n'est pas parce qu'un mariage est parfois consommé avant l'heure que le mariage perd son caractère sanctifiant parce seuls comptent la pureté des cœurs et des intentions. Est-ce que la consommation du mariage avant l'heure modifie la pureté des intentions et la volonté de s'unir devant Dieu, si c'est bien l'objectif partagé ? Aucunement à mon sens.
Donc, fauter n'empêche par la Grâce divine de descendre sur les jeunes mariés.

Enfin, pourquoi doit-on les marier ?

Parce qu'un amour pur et désintéressé ne meurt jamais ! La vie peut séparer les amoureux, les marier à d'autres personnes, les enfermer dans des monastères... l'amour ne disparaitra pas.
Donc plutôt que de faire souffrir inutilement deux êtres qui s'aiment, ne doit-on pas plutôt les marier, quoi qu'on en pense ?
Prenez le cas Abélard qui est tombé amoureux d'Héloïse et les moyens extrêmes dont a usé cet imbécile de chanoine Fulbert ! Croit-on que cela a mis fin à l'amour entre ces deux êtres ? Absolument pas ! Ni la castration de l'un, ni l'éloignement de deux amants n'en sont venus à bout. On aurait bien mieux fait de les marier !

L'hymne à l'amour s'éleva alors sous les voûtes de la chapelle.

Puis, le chant achevé, le cardinal se douta de la question qui trottait dans tous les esprits ? Quelqu'un la poserait-il ou devrait-il l'aborder lui-même ?

Le cardinal aborda finalement le sujet que personne n'osait aborder.

Où en est-on du mariage des prêtres ?

Et là, je vous répondrai, nulle part car la question soulève un abyme de perplexité. Certains s'en réjouiront, d'autres s'en attristeront.

Personnellement, comme cardinal et président du Consistoire Pontifical, si je me dois de faire appliquer le Droit Canon actuel qui s'appuie sur un passage de la Vita de Christos et qui interdit le mariage aux prêtres - et je n'y faillirai pas parce que c'est l'actuelle loi de l'Eglise - , le théologien continue à étudier la question et à s'en poser.

Comment Dieu qui a doté chaque homme des instruments de la reproduction, qui a créé l'homme et la femme pour qu'ils se survivent et assurent l'éternité de l'humanité, qui a eu pour premier prophète un homme marié, Aristote, père de Nicomaque, qui n'a pas hésité à accorder sa Grâce à de pieux évêques mariés aux premiers temps de notre Eglise, a pu aussi penser le célibat des prêtres ?

Autre mystère, lorsque Christos crée les apôtres et leur confie la mission d'évêque, il donne de nombreux conseils mais à aucun moment il ne parle de célibat et il faut attendre la fin de sa Vita pour qu'il en soit question. Pour quelle raison ?
Est-ce dû aux turpitudes sexuelles supposées de Judas ? Est-ce un passage de la Vita rajouté par des moines copistes clunisiens soucieux d'imposer leur mode de vie à l'ensemble du clergé ? Y a-t-il d'autres raisons ? Nul ne le sait.

Voila qui justifie que, pour l'instant, rien ne soit changé à la doctrine officielle de l'Eglise sur le célibat des prêtres.
On dit que le nouveau pape souhaite réunir un concile. Peut-être sera-ce l'occasion de débattre de ces questions et de percer les mystères restants sur ce sujet. Nous verrons.

Après avoir donné ces quelques informations sur une question toujours brûlante mais jamais résolue malgré les débats théologiques récurrents, le cardinal termina la cérémonie par la distribution traditionnelle du pain et du vin tandis que les chantres concluaient par Ce monde

Messe dite en la Sainte-Chapelle de Dijon le 3 février 1467 par Son Eminence le cardinal Pie II de Valence