Messe de Noël 1466

**Pie de Valence** Sam 12 Oct - 21:28

En prélude à la messe de Noël qu'il s'apprêtait à tenir comme chaque année ou presque, le cardinal de Valence vint dresser la traditionnelle crèche qui avait le mérite de glorifier en même temps la naissance d'Aristote et celle de Christos: la naissance d'Aristote, lorsque reposant l’enfant près de sa mère, son père s’agenouilla près du lit et resta un long temps immobile, contemplant silencieusement sa femme et son fils; celle de Christos, né dans une bicoque délabrée, à Bethléem, en Judée, entouré de ses parents, choyé de cadeaux par ses voisins et célébrer les vertus, aussi bien humaines que spirituelles, de l'union autour du foyer, du mariage et de la famille.

Messe de Noël 1466 Les_personnages_de_la_creche_de_noel_300

Messe de Noël 1466 Les_personnages_de_la_creche_de_noel_300

Les cloches de la chapelle sonnèrent à l'heure convenue pour appeler à la messe de Noël pour laquelle, sur prière instante du cardinal, les chantres de l'abbaye St-Martin-de-Langres avaient fait le déplacement.
La Bourgogne connaissant un nouvel envahissement de son territoire par des individus indésirables bien trop prompts à venir se servir chez leurs voisins de ce qu'ils ne trouvaient pas chez eux, c'est bien évidemment vers elle qu'iraient les premières pensées de l'homme d'Eglise.

Aussi, après l'entame chantée célébrant Christos le rédempteur, prit-il la prole pour adresser une prière improvisée pour le salut de la province.

Bien chers frères et soeurs en Christos et Aristote, soyez les bienvenus en ces lieux et pour cette fête si particulière de Noël, encore plus particulière cette année, parce que notre territoire doit à nouveau subir une invasion non-désirée.

Aussi, avant de commencer cette messe, je vous invite à prier pour la Bourgogne.

O Dieu de paix, d'amour et de justice,
Entends la détresse de tes enfants de Bourgogne,
A nouveau assiégés par de vils pilleurs.
A ses pleurs attristés, à son épuisement face à ces agressions répétées,
Face à tant d'efforts sans cesse anéantis et sans cesse recommencés,
Rends-lui grâce et miséricorde,
Rends-lui force, courage et détermination,
Rends justice à son combat pour l'honneur et la liberté,
Protège-la et aide-la à repousser ces perfides serviteurs de la Créature Sans Nom,
Afin que la paix y règne à nouveau en maîtresse
Que tous les cœurs soient apaisés,
Et que Ta gloire puisse resplendir très haut sur la Terre comme aux Cieux,

Amen.

Après la prière pour la Bourgogne, le cardinal annonça le thème de la messe du jour.

Nous aborderons, au court de cette messe de Noël, la question de la Grâce divine car Aristote, Christos et Nicolas Noël, dont nous célébrons le triple anniversaire, en furent pareillement touchés, quoi qu’à des degrés divers et même si l’élection divine est venue, dès leur naissance, accompagner cette Grâce d’un signe de reconnaissance : une comète inconnue dans le firmament lors de la naissance d'Aristote; le cavalier qui vint en songe avertir Maria qu'elle allait enfanter un guide, un messie habité par Dieu, qu'il porterait la parole de Dieu partout ou il lui serait donné d’aller et sauverait le peuple de ses péchés en lui enseignant la sagesse d’Aristote; l'hiver exceptionnellement rude qui faillit emporter Nicolas Noël peu de temps après sa naissance.

Pour tout un chacun, sans atteindre la perfection de ces illustres modèles et sans prétendre à aucune élection divine, comment atteindre cette grâce ? Comment la recevoir ?

Le chœur chanta alors le cantique Luce che entra (La lumière qui entre)

Le cardinal, le chant terminé, entama son propos

Mais déjà interrogeons-nous: qu'est-ce que la Grâce divine ? Comment se manifeste-t-elle ?

Quand Dieu eut tiré l'Univers du Néant, il créa chaque espèce afin qu'elles fussent complémentaires les unes des autres pour perpétuer le grand cycle de la vie, puis il créa l'Homme avec une infinité de prérogatives et d'avantages sur toutes les autres espèces... une infinité si naturelle que l'Homme ne fut pas conscient de cette supériorité. Il se jugea même inférieur à toutes les autres espèces et en vint même à s'interroger sur les raisons de sa présence sur Terre. C'est l'objet du chapitre sur la création dans le Livre des Vertus.
Pourtant, Dieu avait voulu donner aux Hommes quelque chose de plus précieux que tous ces talents: Lui-même.
C'est ce qu'exprime la sentence latine

Praebe, fili mi, cor tuum mihi; et oculi tui vias meas custodiant.
Mon fils, donne-moi ton cœur et que tes yeux soient attentifs à mes voies.

Il convia donc les Hommes à se donner à Lui à travers l'Amour comme Oane le leur révéla.
Le Créateur nous demanda nos cœurs pour habiter nos âmes et y établir Sa maison.
Et je suis sûr qu'au moins une fois dans votre vie, vous avez tous ressenti cette présence car il vous est tous arrivé, au moins une fois, d'être touché d'un véritable repentir de vos offenses et, à ce moment-là, d'avoir eu sensiblement l'impression d'être habité par une force intérieure inconnue se réveillant en vous comme si elle y avait toujours sommeillé.
Hé bien, c'est cela la grâce divine, c'est cette force inconnue qui vous habite soudain et vous porte à réformer votre âme et à faire le bien.

Mais comment loger en nos coeurs Celui que les Cieux ne peuvent contenir ? Comment recevoir cette grâce divine ?
Je vais essayer de vous donner le moyen de jouir de ce bonheur.

Attentif à la chapelle qui peu à peu s'emplissait de monde, le cardinal aborda la seconde partie de sa messe de Noël.

Mais comment loger en nos cœurs Celui que les Cieux ne peuvent contenir ? Comment recevoir cette grâce divine ?

Une ode à la paix apportée par cette nuit de Noël s'éleva alors.

Oh nuit, oh laisse encore à la terre
Le calme enchantement de ton mystère,
L'ombre qui t'escorte est si douce
Est-il une beauté aussi belle que le rêve
Est-il de vérité plus douce que l'espérance ?

Pour recevoir Dieu en Nous, quels que soient les passions, les doutes, les tempêtes, les orages qui nous agitent, il nous faut d'abord essayer de retrouver la paix de l'âme ou un semblant de paix qui permette de faire un retour sur soi-même.
Quoi de mieux pour cela que le calme et la douceur de la nuit et surtout de cette nuit, don de Nicolas Noël, pour essayer de retrouver la sérénité ou essayer de s'en approcher ?

En effet, Dieu ne fera jamais Sa demeure en Nous si nous n'essayons pas d'abord de nous dépouiller des passions qui nous animent. La paix doit être en nos villes, en nos maisons et principalement en nos cœurs si Nous voulons y accueillir le Très-Haut.
Or, la paix ne se maintient que par bonne et saine justice.

Qu'il me soit permis ici de rendre hommage et de saluer l'action apaisante et l'œuvre de justice de Sa Grâce le duc de Bourgogne après tant de mois tumultueux.

Iustitia et pax osculatae sunt
La justice et la paix s’embrassent.

comme le dit le vieux proverbe.

Si nous n'aimons pas la justice, qui est l'unique amie de la paix, la paix ne sera pas en Nous, ni dans ce vaste monde d'ailleurs.

Aussi, écartons l'iniquité et l'injustice en essayant de vivre sans jalousie, sans querelle, sans inimitié les uns contre les autres car c'est l'un des chemins qui peuvent conduire à la paix des ménages comme à la paix intérieure.
Dans nos cœurs, laissons les lumières de la raison contrebalancer nos émotions et prendre le dessus sur les passions destructrices., car c'est par la raison que la lumière divine pénétrera en Nous et que Dieu habitera en Nous.
C'est ainsi que Dieu habitera en nous.
Et, quand on a Dieu pour hôte, rien de mal ne peut véritablement nous arriver.

C'est cette espérance que rien ne vous arrive véritablement de mal grâce à Dieu que je vous souhaite, à tous et toutes, en cette nuit de Noël et en la nouvelle année qui s'annonce.

Et, afin d'entretenir cet espoir et cette espérance, comme chaque année, l'Eglise vous offre à tous et toutes un bouquet de fleurs de lys, cette fleur de St Bynarr qui, plus que toute autre, symbolise la renaissance.

Messe de Noël 1466 Image_3016

Messe dite en la Sainte-Chapelle de Dijon le 24 décembre 1466 par Son Eminence Pie de Valence